Podcasts, enceintes connectées, plateformes de streaming… On n’a jamais autant parlé de contenu sonore. Jusqu’à supplanter la vidéo
« ‘Il faut faire des podcasts’ est le nouveau ‘une vidéo à la Brut’ » ironisait un internaute alors que se tenait fin mars une conférence organisée par le magazine Stratégies sur le thème « Nouveaux modèles de contenu ». Ces programmes sonores sont au coeur des stratégies de communication comme le montrent les lancements récents chez Hermès, Figaret, Orange ou Guerlain. Sont-ils pour autant la panacée ? Emmanuelle Le Goff, directrice du département radio de Médiamétrie, a rappelé lors de la matinée que l’offre audio s’était considérablement étoffée ces dernières années : radio en direct ou en différé, streaming musical, livres audio, podcasts natifs… Si ces derniers sont encore marginaux (6,6 % des internautes en écoutent au moins un chaque mois, loin derrière la radio à 90,4%), ils attirent un public urbain, CSP+, déjà friand des autres formats audio. Marianne le Vavasseur, VP Adsales de Deezer Brand Solutions, a rappelé que la marque de cosmétiques bio Weleda a investi la plateforme dès septembre 2016 avec un programme sur le bien-être. « Depuis le deuxième trimestre 2018, énormément de marques produisent leur propre contenu et le médiatisent sur les plateformes », remarque-t-elle. Erwan Le Berrigaud, directeur marketing des parfums Hugo Boss, est venu présenter son dernier projet, Essentials, un podcast de conseils pour les hommes animé par le coach sportif Gunnar Peterson.
Pour Julien Neuville, cofondateur du studio Nouvelles Écoutes qui a produit ces interviews, « les contenus étaient encore très commerciaux il y a deux ans, les marques nous demandant essentiellement d’interroger des vendeuses en boutiques, mais sont devenus de plus en plus éditorialisés. » Sa consœur Mélissa Bounoua, cofondatrice de Louie Media, a renchéri avec l’exemple du podcast Regards pour Birchbox, qui a exploré le rapport des femmes à la beauté sans référence intensive à la marque à part une pastille en début d’épisode. Son succès à l’été dernier lui vaut de connaître une saison 2 cette année.
Manque de KPIs
Le développement de ce format, qui a l’avantage de pouvoir être consommé en faisant autre chose (dans les transports, dans la cuisine…), se heurte cependant à plusieurs contraintes. D’une part le manque de KPIs (key performance indicators), des outils de mesure pour évaluer son impact. S’il a d’abord un objectif d’image et de création de valeur pour la marque, le podcast peut aussi avoir un effet sur la notoriété et la conversion à l’achat. D’autre part des technologies encore peu satisfaisantes. Selon Mélissa Bounoua, « Netflix a créé l’habitude du ‘binge watching’, le fait de passer automatiquement d’un épisode à l’autre sans intervention de l’abonné. Cela manque pour les applications de podcasts. » Les algorithmes balbutiants ne recommandent pas suffisamment des contenus associés aux centres d’intérêts des utilisateurs. À mesure que la consommation se diffusera, les technologies vont pouvoir s’améliorer. « Les enceintes connectées favorisent de nouveaux usages, ce qui devrait permettre au podcast de gagner la bataille de l’attention par rapport aux programmes de télévision », souligne Marianne le Vavasseur. « Le podcast ne tuera pas l’écran mais il va certainement diminuer le temps d’écran, prédit Julien Neuville. Il y a encore des contenus à explorer dans l’humour, la fiction et les enfants. »