Quels contenus pour quelles Fashion Week?

Quels contenus pour quelles Fashion Week?

Ce 09 juillet aura lieu la Fashion Week masculine Printemps-Eté 2021 de Paris. Mais voilà, il n’y aura pas de Fashion week homme cette année. Ce sera plutôt une fashion week tout digital. Parce que le virus a tout changé. Quels sont donc ses nouveaux paradigmes ? Tour des Podiums.

Processus de création plus lent, fabrication plus respectueuse de l’environnement, le COVID est passé par là et les créateurs s’engagent tous désormais pour des Fashion Week plus inclusives, avec des défilés mixtes ou des collections unisexes, moins confuses, sans surconsommation d’images et de produits comme le déplore Mickael Kors. Ralentir la cadence est donc devenu le nouveau mantra des fashion designer. Mais ce n’est pas tout. Le Covid a non seulement bouleversé les Fashion Week mais leur contenu aussi.

Comment le Covid-19 a fait évoluer la mode… et son contenu ?

Autre incidence du  virus : voir émerger de nouveaux contenus…faute de défilé. La Fédération de la Haute Couture et de la Mode (FHCM) a ainsi noué un partenariat avec Launchmetrics (entreprise technologique d’analyse de data, spécialisée dans la brand performance) offrant un accès à des contenus spécifiques. A l’instar de vidéos de défilés, d’ interviews, de shootings en ligne ou encore de salles de presse virtuelles.

Lors de la Fashion Week de Shangaï, en pleine épidémie, les organisateurs sont ainsi parvenus à faire défiler les mannequins sur fond vert grâce à une collecte de vêtements envoyés par les marques. Les maisons de couture pouvaient ensuite mettre en scène leur show en choisissant leur musique et leur décor numérique. Cette alternative aux défilés traditionnels a permis d’élargir le public des Fashion Week, souvent élitiste, et de démocratiser la haute-couture. Pari gagné : au total, la FW de Shangaï a généré plus de 11 millions de vue. En Russie, lors de la Mercedes-Benz FW, les défilés numériques ont, quant à eux, atteint les 830.000 vues en direct grâce à un partenariat avec TikTok.

Pour comptabiliser de tels records, chaque couturier a redoublé d’inventivité. Toujours en Russie, les vidéos des designers qui présentaient leur collection avaient pour format des spots publicitaires ou des court-métrages, ludiques et efficaces. Si le nombre de look par collection a été réduit, ces derniers ont été mis en valeur. D’autres designers sont parvenus à montrer leur travail grâce à la diffusion de show sur Youtube, à l’exposition de looks sur Instagram dévoilés et portés par des célébrités, des lookbook, des podcasts, ou encore en lançant des challenges sous la forme d’hashtag.

Cette dernière idée s’est illustrée lors de la Monte-Carlo Fashion Week de mai grâce au concours écoresponsable « Sustainability Contest ». Lors de la finale, vingt marques issues de dix-sept pays ont pu dévoiler leur travail via des vidéos tournées pendant ou après le confinement. Elles ont été diffusées sur le site de la MCFW, son compte Instagram, et sur la chaîne YouTube de Fashion Channel, partenaire de l’événement. Le prix du concours a été remis au label mexicain Desserto, pour ses sacs végans créés via un substitut de cuir issu du cactus.

Des contenus qui s’adaptent…

Au-delà des défilés, récréer virtuellement l’univers des FW demande créativité et technologie. La MCFW a choisi d’organiser des conversations digitales ouvertes à tous en direct des réseaux sociaux. Les invités, des personnalités de la mode dont Tommy Hilfiger, pouvaient débattre publiquement sur des thématiques d’avenir, comme la mode durable ou éco-responsable. La technologie a également permis aux spectateurs d’autres FW d’interagir en direct pendant les shows avec des commentaires et des emojis. De leur côté, les labels pouvaient intervenir pendant les défilés et interviewer après coup les designers pour qu’ils expliquent leur collection. Enfin, Heliot Emil et Victor Juul ont présentés leur collection automne-hiver 2020/21 en invitant le public à s’immerger « dans l’univers expérimental et innovant » de la marque à travers un show digital, où le spectateur pouvait choisir son point de vue en se déplaçant virtuellement à 360 degrés dans un espace, pendant que les mannequins se croisaient au ralenti.

… et qui deviennent de l’art

Enfin, Dior vient de marquer les esprits grâce à sa collaboration avec le réalisateur italien Matteo Garrone, en exposant sa nouvelle collection par un film onirique et surprenant. La directrice artistique de la marque, Maria Grazi Chiuri confiait cette semaine à Vogue France « le concept de film, en tant qu’œuvre et médium artistique, m’a toujours captivée ; j’ai souvent pensé l’expérimenter afin de restituer l’atmosphère unique de la haute couture. Le cinéma est un art à la fois créatif et artisanal, travail d’auteur et travail choral. Très similaire au savoir-faire de la mode. ». Idem chez Hermès qui s’est adapté aux nouveaux supports des FW en présentant sa collection homme par une performance artistique filmé en direct par le metteur en scène Cyril Teste. Pour Maurizio Galante, couturier italien, ce type de performance s’assimile au passage du théâtre au cinéma et représente de « réelles opportunités ». Les contenus deviennent ainsi des objets artistiques mais sont également porteur d’un message fort. En effet, Maria Grazi Chiuri a choisi de rendre hommage, au travers de sa collection, aux femmes qui l’inspirent, et tandis que d’autres créateurs se concentrent sur la mode durable, Naomi Campbell rappelle l’importance de la lutte contre les discriminations racistes dans le monde de la mode.

Des retombées économiques même en période de crise

Si ces avancées technologiques et artistiques révolutionnent le secteur, elles permettent de favoriser l’achat en ligne des collections. Bien que le fameux See Now Buy Now divise parmi les créateurs, il limite cependant les pertes du secteur. En effet, dès le visionnage du show en ligne, les spectateurs peuvent être redirigé vers l’e-shop de la marque. Pour certains, la dimension artistique de leur travail est dénaturée, pour d’autres c’est une aubaine en cette période.

Cette Fashion Week parisienne d’un nouveau genre s’apprête donc à marquer l’Histoire de la mode française. « Tout l’enjeu, c’est le pari de la créativité. Il n’y aura pas de cahier des charges particulier. Les marques devront juste livrer un film qu’elles réaliseront en toute liberté », a indiqué Pascal Morand, président exécutif de la FHCM. « Il est clair qu’on ne peut pas transférer en numérique les défilés tels quels. Le monde virtuel n’est pas la transposition du monde réel. C’est une opportunité de créativité et d’innovation. Je pense que ça va être intéressant », a-t-il ajouté. Ça promet.

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